Lorsque je la vis, il me sembla qu’en fin de compte, le temps n’avait pas coulé inexorablement, comme le courant d’une rivière qu’on tente d’arrêter avec ses doigts. Non pas qu’elle fut nullement altérée par les années : ses cheveux, jadis d’un roux flamboyant, étaient aujourd’hui striés de mêches blanches et retenus en un petit chignon serré, piqué de part et d’autre par des épingles. Son front était parcouru de petites rides et ses veines se faisaient plus saillantes et bleuâtres. Ses sourcils, dont la clarté paraissait plus vive encore, me semblaient avoir été peints à l’aquarelle et encadraient ses yeux en amande, ses yeux de « chinoise » comme je les appelais jadis.
On dit que les yeux sont le miroir de l’âme : cela était vrai pour Catherine. Il m’était impossible de ne pas distinguer toute la malice, mais aussi tout l’amour dont ils recelaient quand elle rencontrait mon frère et faisait un brin de causette, en des temps si lointains qu’ils n’étaient plus que des volutes évanescentes. J’aurai aimé qu’ils eussent la même lueur , le même éclat, cette si tendre réserve, lorsque c’était à moi qu’elle s’adressait .

Ainsi, ses yeux n’avaient pas changé, quoi qu’un voile clair recouvrait ses pupilles, comme si le poids des souffrances et des blessures avaient fini par ternir ses beaux yeux. Les cernes, dûes aux nombreuses nuits blanches passées à l’atelier à travailler sans cesse ses sculptures, avaient, et cela était fort curieux, disparues. Je ne pus m’empêcher de m’interroger : étais ce la raison de son indiscible tristesse ?

La Sculpture était autrefois sa seule passion, sa vie même et je n’osais imaginer les conséquences si, par malheur, elle avait du être contrainte à abandonner son art…

Cela me fit comme un coup au cœur, quand je remarquai que de fines taches de vieillesse constellaient son nez fin et retroussé comme un trompette, se prolongeant sur ses joues, autrefois rondes et pleines mais aujourd’hui profondément creusées.

Je crus, un instant, la voir esquisser un sourire vers ma direction, découvrant ses lèvres pincées comme seuls savent le faire les personnes d’un certain âge, s’étirant en un gracieux mouvement, sa peau joliment flétrie dévoilant les os de son cou.

Et malgré la mélancolie profonde qui m’étraignait, je sus qu’égale à elle-même, Catherine avait su conserver sa beauté, telle une ravissante statue sculptée dans du marbre, et qui malgré le vent et le temps altérant cette matière, conserve à jamais ses traits divins.

Texte écrit pour mon bac de français ou, parce que je suis une grosse boulette, j’étais arrivée avec 30 mn de retard et avait été forcée de prendre l’écriture d’invention parce que j’avais tout oublié de Balzac. Miraculeusement, j’ai eu 17…

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