d4chpelxsamtcjr_01.jpg

Hier, Atlantiques, le film de Mati Diop a gagné le grand prix au festival de Cannes, une première pour un film français réalisé par une cinéaste afro descendante. 

Atlantiques raconte l’histoire d’une jeune femme sénégalaise dont l’amant prend la mer pour émigrer en Europe pour avoir une vie meilleure. En le voyant, je m’attendais à un énième film sur les migrations africaines et la douleur de ceux qui ne peuvent pas rester dans leur propres pays (une obsession dans le cinéma français. Mais j’ai été agréablement (pour une fois) surprise. Atlantiques est en fait un superbe film sur l’éveil à l’âge adulte, sur une jeune femme qui apprend à assumer ses désirs et ses choix de vie, sur la peine des femmes qui attendent au pays leur être aimés.

Les Misérables de Ladj Ly a aussi gagné le Prix du Jury. 

Qu’est ce que ces récentes victoires disent sur la volonté du cinéma français de se diversifier? 

Il faut savoir que l’industrie du cinéma français est un mastodonte qui refuse de mourir et par la même occasion, de se régénérer. Il continue d’attendre que les jours glorieux de la nouvelle vague revienne et s’embourber dans la production des mêmes films sur la misère existentielle de bourgeois parisiennes trentenaires qui s’aiment et de trompe et fument des Marlboro en contemplant le beau ciel de Paris…films qui continuent d’être emplis de stéréotypes racistes d’un autre temps. Le film français est si profondément ancré dans sa branlette intellectuelle qu’il a des difficultés à s’exporter à l’étranger. Même le blockbuster Les Intouchables avec Omar Sy qui incarne une variation du « magical negro » ou le nègre magique, à la main verte qui est la pour sauver une personne blanche en lui montrant pourquoi la vie vaut la peine d’être vécue, a fait un flop au box office. Le racisme et validisme dans le film le fait avoir l’air tout droit sorti des années 80. 

Le reste du monde évolue. Mais pas l’industrie du cinéma en France.

Ce n’est pas faute d’avoir de brillant cinéastes et acteurs afro descendants qui essayent de changer les choses et critiquer ouvertement l’industrie. Mais ce qu’ils le font font face à un retour de baton ignoble et prennent le risque de se voir blacklister, comme le comédien Luc Saint Eloi en a fait la douloureuse expérience il y a quelques années.

Les films français montrant les noirs à l’écran se divisent en catégories relativement distinctes, mais quelque fois mélangées: on est soit des dealers de drogues ou des « racailles » de banlieues, des migrants clandestins ou (la catégorie spéciale crée pour les femmes noires!) des prostituées (parfois analphabètes). Ces stéréotypes contribuent à montrer et propager l’idée d’un « black trauma porn » ou porno du traumatisme noire.

Il s’agit de l’idée que les personnes afro descendantes sont montrées dans les médias comme en souffrance constante: par le biais du racisme (bavures policières, discriminations à l’embauche, etc), par le biais des pratiques discriminatoires (mort en mer en tentant de migrer, reconduites violentes à la frontière, etc) ou le biais de l’histoire (volonté avéré de l’industrie artistiques de produire constemment des travaux montrant les noirs soit esclaves, soit colonisés, soit ségrégués mais toujours asservis par les blancs et luttant pour leur liberté. L’idée du Black trauma porn c’est que le public non noir qui consomme de telles images, va toujours de sentir de facto mieux dans sa peau et soulagé parce qu’au moins, peu importe à quel point son quotidien est difficile, ne souffrira pas comme les noirs qu’ils voient à l’écran ou sur papier. 

Cela explique partiellement pourquoi tant de français afro descendants préfèrent payer un abonnement sur Netflix que d’aller au cinéma voir des films français qui sont aussi intentionnels dans leur volonté de leur apporter un ersatz de représentation aux conséquences désastreuses. Cela explique pourquoi cette année, Cannes et Netflix ont eu une grosse bisbille, et que Cannes a interdit à Netflix de soumettre des films. Même Mr Manu, notre cher président, a appelé les pays européens à s’unir contre le géant de la VOD. Pourtant, dans la guerre entre Netflix et le cinéma français, le premier va gagner. Ce n’est qu’une question de temps. La question à 5000€ c’est: pourquoi le cinéma français ne décide pas de stopper le déclin et contrer Netflix en se diversifiant? Est-il si dur et effrayant d’admettre que les films qu’ils font sont ennuyant et racistes, et donc nécessite un changement (et maintenant, si possible?)?

Comparés aux autres festivals internationaux comme Sundance, Tribecca et Tiff, le festival peine à atteindre le même niveau.

Est ce que les victoires récentes de Mati Diop et Ladj Ly à Cannes vont changer les choses?   Seul l’avenir nous le dira. Mais le temps est compté.

Pour en lire plus sur le sujet, consultez l’article qui a inspiré ce post sur le site du magazine Okay Africa:

 http://bit.ly/2K55GYp

Subscribe To my Newsletter

Skip to content